Dans cette partie de mon portfolio, j'ai choisi de laisser la place aux souvenirs, à la mémoire visuelle, à l'enfance, à ce qui fait sens à chacun d'entre nous lorsque l'on s'interroge parfois sur les éléments fondateurs de notre personnalité. En un mot, ce que l'on nomme les Racines. Et je pense que de nouvelles racines peuvent surgir n'importe quand, n'importe où. Il ne s'agit donc pas ici pour moi de céder à la "nostalgie" (qui ne fait pas vraiment partie de mon caractère) ni de souscrire à un certain exhibitionnisme narcissique à la mode sur la Toile. Mais tout simplement d'ouvrir un livre d'images et de reliques personnelles ou partagées avec d'autres et d'évoquer des histoires qui par définition restent souvent dans l'ombre avant que de sombrer dans l'oubli, un peu plus tôt que chacun d'entre nous...
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Irène De Prins, ma grand-mère, née à Schaerbeek le 3 octobre 1907 et décédée à Grez-Doiceau le 19 septembre 1988. Elle me consacra beaucoup de son temps avec amour durant mon enfance et comme beaucoup d'adolescents dans le mouvement de la vie et l'inconscience du temps qui passe, je lui en consacrai peu en retour dans ses dernières années. Avec regret à présent. Fille de commerçants schaerbeekois très catholiques (mon arrière grand-père fut accompagné lors de ses funérailles par un groupe de franciscains marchant pieds nus dans la neige de décembre), ma grand-mère épousa mon grand-père, fils d'industriels schaerbeekois plutôt libéraux et progressistes. Mélange d'une famille. Ma grand-mère (comme deux autres membres de ma famille, Dame Chance était avec nous ce jour-là) était parmi les membres du personnel de l'Innovation qui réussirent à échapper à l'incendie du grand magasin le 22 mai 1967, événement tragique qui devait devenir l'un des plus grands drames nationaux de notre pays. Comme beaucoup de ceux qui eurent la chance de sortir indemnes de cet enfer, ma grand-mère fut hantée par cette catastrophe toute sa vie. J'ai donc choisi d'illustrer cette tragédie à ses côtés sur le collage graphique. |
Le quartier Sainte-Suzanne et l'allée des Freesias
L'allée des Freesias est une rue schaerbeekoise située entre la rue du Caporal Claes, l'avenue Gustave Latinis, l'avenue des Glycines, le Chemin du Forgeron (menant au Clos du Chemin Creux) et la Drève Recteur Honoré Van Waeyenbergh (qui traverse le parc Albert Ier, appelé localement "Terdelt" - en réalité l'ancien cimetière de Schaerbeek, fermé en 1972, transformé en "garden suburb" du quartier - et mène à la rue Raymond Foucart sur laquelle je reviendrai). Elle se trouve au coeur de ce que l'on nomme "Le Quartier des Fleurs" dont la construction a commencé en 1930 et se poursuit aujourd'hui.
Voici dressé en quelques axes et carrefours le quartier de toute mon enfance.
Sur la première photographie, une vue de l'immeuble "Les Magnolias" dans lequel j'ai grandi. Mes parents ayant été très généreux avec moi, je bénéficiais en plus de ma chambre à coucher d'une chambre "salle de jeux" dans laquelle j'ai beaucoup joué avec d'autres enfants du quartier.
Sur la deuxième photographie, l'Eglise Sainte-Suzanne, qui fut bâtie entre 1925 et 1928 en partie sur les fonds de la veuve du Général Maes qui désirait ériger une paroisse à la mémoire de sa fille Suzanne Maes, décédée à l'âge de 20 ans.
D'un point de vue architectural, elle est la première église de Bruxelles dont la construction a utilisé massivement le béton et à ce titre scandalisa à l'époque (on la surnomma même "le cinéma du cimetière de Schaerbeek") et suscite encore à l'heure actuelle des avis tranchés. Elle culmine à 49 mètres.
Toute mon enfance fut rythmée par ses deux cloches aux sons harmonieux, Suzanne et Ida.
Sur la troisième photographie, la librairie Sainte-Suzanne, lieu de prédilection où j'achetai mes premiers livres (dont tous mes "Livres dont vous êtes le héros" en vogue dans les années 80) et magazines et où je découvris un 6 décembre 1985 une boîte appelée "L'Oeil Noir" qui allait m'entraîner dans une véritable passion jamais démentie, les Jeux de Rôles. J'appris plus tard que l'ancien propriétaire de la librairie était un ancien élève de l'AFB comme moi.
L'allée des Freesias qui anciennement était bordée par un grand terrain vague où un cirque prenait souvent ses quartiers (ce qui nous permettait d'observer les éléphants "en pâture" depuis nos terrasses) a depuis lors fort changé d'aspect. Le terrain vague et les quelques champs ont été remplacés par des constructions modernes qui unifient le quartier en blocs et qui lui retirent une partie de la lumière qui l'illuminait jadis.