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Conférence : Custer's Last Stand
Custer's Last Stand, au cinéma et à la télévision ou les aléas d'un mythe
Contexte.
Nous savons tous que l'une des passions -si pas la plus importante de toutes- du Professeur Claude-René De Winter était le Western, genre cinématographique à part entière. Ce que peu savent en revanche, c'est qu'il lui a consacré de nombreux articles, quelques cycles de conférences et des études minutieuses couvrant les aspects politiques, sociologiques, géographiques et anthropologiques du genre. La condition de l'indien puis celle de l'afro-américain ont tenu une place spécifique dans ses champs d'analyse. Puis la notion de "Frontière", incontournable pour l'historien quand il s'attaque au Western, mythe cinématographique de l'Amérique qui se transpose elle-même, se réinventant une histoire qui se projette à la fois dans le passé et dans l'avenir (n'oublions pas, par exemple, que le film de Science-Fiction Outland de Peter Hyams n'est que le remake du Train sifflera trois fois de Fred Zinnemann, Sean Connery remplaçant Gary Cooper dans le rôle de l'homme de loi qui se dresse seul). Et quand on s'investit dans l'analyse des concepts de "frontières" et de "races", on ne peut que s'engouffrer rapidement dans les pluri-disciplines citées plus haut.
De la confrontation des cultures, de l'appel des étendues à conquérir, de la politique à mener pour y parvenir, finissent toujours par s'élever certains individus qui sont amenés à devenir des légendes, par cause endogène ou par ambition personnelle, et le plus souvent au croisement des deux. George Armstrong Custer était de ceux-là.
Pour Claude-René De Winter, le personnage me semble incontournable. Il synthétise à lui seul plusieurs intérêts : l'histoire et le rapport à l'autre (Indien), la critique historique (car le mythe et l'histoire finissent par se mélanger dans ce cas), le Western (Custer devient une icône cinématographique), l'étude de cas de presse pertinents (une analyse des journaux de l'époque couvrant le massacre m'a ainsi un jour été dressée par Claude-René pendant un repas commun) mais aussi le caractère du Général Custer lui-même. Il est bien sûr facile de mener des comparaisons à posteriori mais le personnage de Custer, en partie franc-tireur, audacieux, énergique, admiré par ses hommes, à la fois seul et entouré, se situant souvent entre la parole (politique) et la morale d'action (le concret des expéditions) me rappelle inévitablement des traits de caractère de notre historien. J'arrête là car je l'ai dit, ce genre de comparaison est à la fois facile et fallacieuse. Mais le personnage de Custer a suscité assez d'intérêt (je n'ai pas dit d'admiration) pour que le professeur De Winter en fasse un de ses dadas, allant même jusqu'à démontrer, documents à l'appui, que certains historiens américains spécialisés du sujet s'étaient fourvoyés, du fait de mauvaises cartes ou de mauvaises interprétations soit de la légende "blanche" soit de la culture indienne. En ce sens d'ailleurs Claude-René est un américaniste, comme il l'est dans ses passions mexicaines.
L'histoire de ce rapport à Custer ne commence pas avec cette conférence de 1996, ni pour lui, ni pour moi. Le professeur Claude-René De Winter a enseigné l'histoire de 1972 à sa disparition en 2003 à l'Athénée Fernand Blum. C'est aussi dans cet établissement schaerbeekois que le cinéaste belge André Delvaux fonda une classe de cinéma dans les années 50. Et c'est dans le Studio 24 justement, à Fernand Blum, que Claude-René De Winter, lui même ancien de l'athénée, démarre le parascolaire cinéma en 1985. Je n'ai jamais été très sportif et la culture m'a toujours attiré. Je me suis donc inscrit cette année-là au "parascolaire cinéma" du Studio 24 sans bien savoir ce que je faisais. C'est là qu'est née ma passion pour le cinéma qui devait m'amener à en faire mon métier et c'est Claude-René qui me l'a inoculée. Sur la douzaine de chefs d'oeuvre choisis par notre mentor cette année-là, il y eut La Charge fantastique (They Died With Their Boots On - phrase importante dans la bouche de Claude-René) de Raoul Walsh et avec Errol Flynn dans le rôle titre du Général Custer (1941). J'avais 13 ans, je découvrais l'âge d'or du cinéma américain et deux semaines plus tard je tombais amoureux de Liz Taylor dans Cléopâtre, puis de Debra Paget dans Le Tigre du Bengale et Le Tombeau hindou mais c'est une autre histoire.
Des versions originales toujours, et dans leur version longue et rare, un vrai ciné-club pour amateurs éclairés. Une présentation précise et nécessaire contextuellement et puis le silence pour nous laisser rêver, sans plus. "J'espère que ça vous a plu et à la semaine prochaine" souriait-il en se levant de son fauteuil, la lumière revenue dans ce Studio 24 à l'époque si particulier avec ses tentures rouges théâtrales et ses épaisses armoires d'un autre temps. Il savait que la contrainte de l'analyse pesante n'était pas conseillée à ce moment. Il en va ainsi de tous les arts, et des plus exigeants d'abord. Il faut se laisser couler dedans. On apprend trop souvent à l'heure actuelle aux jeunes générations à n'aimer que le récent comme si le présent était un gage de qualité et que ce qui était ancien avait déjà un goût de mort ou de dépassé. J'ai souvent entendu dire "C'est un vieux film ! Il est en noir et blanc ! C'est lent, on parle trop !" et de ce fait on confond le style (et ses techniques) avec la mode (et ses effets). On le dit du cinéma mais pas de la peinture, ainsi n'entendra-t-on jamais (du moins je l'espère) dire "Les peintures de la Renaissance, mais c'est vieux et dépassé par rapport au cubisme !". Cette incompréhension (j'ai même envie d'écrire inconsistance) qui empêche de se projeter dans la Culture en ce qu'elle est un ensemble, une toile, qui dépasse les contraintes du temps et recoupe tout à chaque jonction, s'enrichissant davantage, semble hélas l'avis contemporain -mais bien souvent inculte- concernant le 7ème art. Sans doute parce que c'est l'art qui est le plus lié à la notion d'entertainment. Cela donc, Claude-René l'avait compris et veillait toujours à laisser nos jeunes esprits prendre la direction qu'ils sentaient le plus instinctivement ou culturellement, l'important étant de venir à chaque session, la magie du cinéma ferait le reste et il avait bien entendu raison.
En 1996, un groupe de fous crée le premier Cercle de Cinéma de l'ULB en se demandant par moment comment il est possible que ce soit le premier. Une effervescence et une émulation dévorante animent ces années-là les couloirs de la toute jeune section cinéma de l'ULB, ELICIT, dirigée par l'énergique et passionnée Dominique Nasta qui nous épaule ou nous réoriente selon les jours. Des ciné-clubs, des publications, des collaborations, des conférences... nous devons tout faire alors, emportés par ces années merveilleuses. C'est tout naturellement que Claude-René De Winter est sollicité pour un cycle de conférences cinéma-histoire dans les murs de l'ULB qu'il aime tant et à laquelle il lèguera sa gigantesque bibliothèque-filmothèque. Une obsession est entrée un jour dans mon esprit et ne l'a plus quitté, présente encore aujourd'hui : il faut enregistrer les événements. Si je vais à une conférence, à une pièce de théâtre, je me sens parfois mal à l'aise si ce que je vois n'est pas "conservé". J'ai le respect de l'happening et l'admiration de l'éphémère mais perdre à jamais une prestation culturelle (acteur, écrivain, etc..) me pose problème. Une forme d'autisme peut-être. Je demandai donc à l'époque ce que je devais demander souvent par après : peut-on enregistrer la conférence ?
Etudiants, on se débrouille toujours, c'est bien connu. La caméra est donc trouvée et Frédéric Aglave et Laurent Aquesbi veillent au bon déroulement de l'enregistrement. Puis les K7 rejoignent mes archives. Et les archives dorment durant 17 ans. Et je les retrouve pour les dix ans de la disparition du Professeur Claude-René De Winter.
Nous les numérisons et tentons de nettoyer le son (le temps, le matériel, le bruit des auditoires en bois de l'époque...) - merci une nouvelle fois dans le temps à Frédéric Aglave qui aura mené le début et la fin de cet enregistrement en une boucle temporelle de 17 années. L'enregistrement que je vous propose ici est loin d'être parfait mais il existe, est complet et est, à ma connaissance, le seul cycle de conférences filmées où l'on voit le Professeur De Winter et cela, c'est merveilleux.
Je vous laisse le redécouvrir dans ses méthodes et sa rhétorique, mais aussi dans ses gestes et ses accents. Bonne conférence ! Esteban.
Custer's Last Stand, au cinéma et à la télévision ou les aléas d'un mythe,
Conférence du Professeur Claude-René De Winter, mardi 24 septembre 1996, auditoire AZ1.101, Université Libre de Bruxelles.